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Musée de la Piscine, à Roubaix... dans les starting-blocks
Musée de la Piscine, à Roubaix... dans les starting-blocks.
Première arrivée devant la haute porte grise couverte d'autocollants multicolores. J'attends fébrilement l'ouverture. L'idée est d'entrer seule, avant le rush, dans la salle du Bassin, de façon à pouvoir photographier sans gêne cette harmonieuse lame d'eau entourée de sculptures, pièce phare du musée sur laquelle miroitent à chaque extrémité le reflet jaune-orangé de 2 magnifiques verrières Art déco en éventail figurant le soleil levant, côté est, et le soleil couchant, à l'ouest. Après l'avoir maintes fois admirée à la télévision ou en photo dans les magazines, je l'avais là devant moi... rien qu'à moi, pour quelques petites secondes.
L'histoire du musée est intéressante, elle s'écrit en 2 temps. A l'origine véritable piscine, voulue pour sa ville ouvrière comme le plus beau temple de l'hygiène sportive par le maire Jean Lebas qui confia l'ambitieux projet à l'architecte lillois Albert Baert, le défi sera relevé brillamment. A son inauguration en 1932, avec son bassin de taille olympique et son architecture époustouflante, la piscine municipale de Roubaix est considérée comme la plus belle de France avec Molitor. Elle fera immédiatement l'unanimité et son succès ne se démentira pas jusqu'à sa fermeture en 1985.
Décidée dans les années 1990, la réhabilitation de la piscine désaffectée en musée fut menée de main de maître par Jean-Paul Philippon, l'architecte parisien spécialisé dans la transformation de bâtiments du patrimoine français excellant à réhabiliter un monument sans sacrifier l'esprit des lieux (on lui doit notamment la reconversion de la gare d'Orsay). En 2001, après 3 ans de travaux, Roubaix inaugurait sa Piscine devenue musée.
Portail de la Piscine de Roubaix, avec ses vignettes multicolores collées dessus, qui sont en fait des tickets d'entrée du musée.
Le Grand Bassin, chef-d'œuvre de l'Art déco. Aux extrémités de cette salle spectaculaire, 2 grandes verrières en éventail diffusent sur la lame d'eau centrale le reflet jaune-orangé de leurs rayons solaires. On aperçoit dans le fond le magnifique portique en grès provenant de la Manufacture de Sèvres. De chaque côté du bassin sont alignées des naïades plus ou moins dénudées. Les baigneurs sont partis, définitivement. Sur 2 étages, les cabines de déshabillage ont été transformées en cabinets d'exposition. C'est pour cette pièce située dans l'aile Est du musée que je voulais arriver la première. Le lieu est désert, saisissant de beauté.
L'autre extrémité du bassin, avec le portique réalisé en 1913 par Alexandre Sandier pour la Manufacture nationale de Sèvres.
Vue panoramique sur le Grand Bassin, côté portique, avec coursives à l'étage et balcons des cabines de déshabillage. A gauche, "L'Étoile de Berger" domine l'ensemble du haut de ses 2,95 m (sculpture d'Hector Lemaire, plâtre 1902).
Les cabines de déshabillage sont transformées en petits cabinets d'exposition.
Qu'elles soient en bronze, marbre, plâtre ou encore céramique, les sculptures disposées de part et d'autre du bassin (14 photos suivantes) appartiennent toutes à l'École Française des XIXe et XXe siècles.
"Sainte Germaine de Pibrac", Alexandre Falguière (bronze, 1869).
"Graziella", Hector Lemaire (plâtre, 1891).
A gauche, "La Foi" ; à droite "L'Espérance", œuvres d'Alfred Boucher (plâtre, 1897).
A gauche, "L'Amour maternel" ; à droite, "La Tendresse", Alfred Boucher encore (grès de Sèvres et grès émaillé, 1897).
"Pierrot", André Laoust (plâtre, 1889).
"Nausicaa", Georges Armand Lacroix (plâtre patiné, 1932).
"L'Athlète", Félix Joffre (plâtre patiné, 1938).
"Femme à la sandale", Georges Chauvel (pierre, 1936).
"La Pensée drapée", Robert Wlérick (plâtre patiné, 1933).
A gauche : "Baigneuse à mi corps", Achille Vilquin (bronze, 1920) ; A droite : Melle Juliette Drivier, Léon-Ernest Drivier (pierre, 1941).
"Diane chasseresse", Ary Bitter (plâtre, 1925).
"Les Nymphes de la Seine", Alfred Boucher (grès émaillé, 1899).
"L'Eau", Constant Ambroise Roux (grès émaillé de Sèvres, 1904). Cette œuvre délicate est visible non pas autour du bassin, comme les précédentes, mais dans l'une des coursives juste derrière.
Il serait dommage cependant de réduire la Piscine de Roubaix... à sa piscine !! Le Musée abrite également de riches collections de tableaux, mais aussi de dessins, de textiles, de bijoux, une section Arts appliqués et design ainsi qu'un nouvel espace créé lors de l'agrandissement du musée en 2018 par Jean-Paul Philippon : la Galerie de sculpture moderne. Par manque de temps, j'ai privilégié tout ce qui était peinture et sculpture, avec une préférence pour le 2e art, impatiente à l'idée de découvrir la salle consacrée à l'Enfance... car je savais que s'y trouvait la Petite Châtelaine de Camille Claudel...
Parmi les tableaux du musée que j'ai beaucoup aimés, en voici 3, peints au tout début du XXe siècle dans des styles très différents.
"Sur la plage", Charles Hauffbauer (huile sur toile, 1907)
"Madame reçoit", Rémy Cogghe (huile sur toile, 1908).
"L'Arrivée à l'école", Henri Jules Jean Geoffroy -dit Géo (huile sur toile, 1909).
Consacrée à la sculpture figurative du XXe siècle, la Galerie de la sculpture moderne, tout en sobriété, abrite entre ses murs gris pâle quelques œuvres des grands noms de la discipline (Rodin, Giacometti, Bourdelle, Maillol, Landowski, Gromaire) mais aussi d'artistes moins connus. Certaines par leur taille et leur réalisme semblent presque vivantes, comme les figures du monde du travail. Il y a aussi de délicats petits formats. Marbres, bronzes, plâtres soulignent la sensualité des attitudes. Suivre une courbe, sentir le grain... L'envie de toucher est irrésistible.
Dans la Galerie de la sculpture moderne, ces 2 très belles sculptures, dont je n'ai pas réussi à retrouver le nom ni de l'œuvre, ni de l'artiste. Si quelqu'un sait, je suis preneuse...
"Hâleurs", Henri Bouchard (plâtre avec traces de patine imitation terre cuite, date non précisée).
A gauche : "Le Bûcheron de la forêt de la Londe", Paul Richer (grès cérame de Sèvres, 1899/1906) ; à droite : "Paysan", Jules Dalou (grès cérame de Sèvres, 1902).
"Héralkès", Paul Landowski (bronze, 1922). C'est à ce sculpteur que l'on doit la statue du Christ rédempteur sur le Corcovado.
"Enfant à la balle", Paul Cornet (grès, date non précisée).
"L'Homme au pardessus", Jean Lambert-Rucki (bois peint, 1937). Celui-là, clairement, il est flippant...
Reconstitution de l'atelier d'Henri Bouchard (2 photos suivantes) dans la Galerie de la sculpture moderne.
Star de la salle consacrée aux animaliers du XXe siècle, l'Ours blanc de François Pompon. Ici présenté en 2 versions.
Moment fort de ma visite à la Piscine de Roubaix : dans la salle dédiée à l'Enfance, non pas une mais 2 "Petite Châtelaine" trônent en vitrine au milieu des portraits peints, des bustes et des scènes de genre. Camille Claudel a décliné son œuvre en version marbre, bronze et plâtre à partir du modèle initial réalisé au château de l'Islette, en Touraine, où elle séjourna à plusieurs reprises entre 1890 et 1893 en compagnie de Rodin. La sculpture représente une fillette de 6 ans, Marguerite Boyer, petite-fille de la propriétaire du domaine.
En 1996, grâce à une souscription publique, le musée accueille sa première "Petite Châtelaine", un marbre de 1896. Mise en dépôt à la Piscine par un acquéreur anonyme suite à la vente aux enchères par la maison Artcurial de plusieurs œuvres de Camille Claudel provenant de la collection de la soeur de l'artiste, la seconde Petite Châtelaine, dite "à la natte courbe", a rejoint sa "soeur" en 2018.
Ci-dessous, acquise en 1996 grâce à une souscription publique, la première Petite Châtelaine de la Piscine de Roubaix (marbre, 1896).
"Petite Châtelaine à la natte courbe" (plâtre, 1892). Mise en dépôt par son propriétaire, elle a rejoint la première en 2018. L'intensité du regard est extraordinaire. C'est ma préférée !!
A deux pas de la Piscine, ne pas rater le grand portrait de Camille Claudel peint par le street-artist australien Jimmy C en 2018.
(Photos prises le 17 août 2022)
Tags : Hauts-de-France, Nord, Roubaix, Piscine, Jean-Paul Philippon, Camille Claudel
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Commentaires
On ressent que ces textes de par leur style viennent de votre excellente plume. Tous les soirs je lis un article avant de dormir. Hier c'était la Corse entre autres. Sur mon blog je me réfère à wikipédia n'ayant ni les connaissances ni le talent de faire mes textes à quelques exceptions près. Merci pour le partage3E.S.Vendredi 20 Octobre 2023 à 21:08
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Des émotions vécues retraduites en mots et en images... en oubliant la fonction copier/coller. Merci d'apprécier :-)