Face à face œcuménique à Cargèse.

"Tandis que sur ce globe au galop nous allons, sans doute est-il des lieux, des golfes, des vallons           où sitôt arrivés, sitôt franchie l'enceinte, nous voilà tout saisis d'une joie presque sainte.                Et de nous dire alors, l'air ravi, confondu : "Oui, c'est bien dans ce port que j'étais attendu".                                                                                     (Aristide Nerrière)

Si j'ai aussi vivement que lui ressenti le charme de ce village corse du golfe de Sagone, je ne saurais en parler si bien... Ce sont les mots du poète Aristide Nerrière pour nous conter Cargèse.

Situé sur la côte occidentale à environ 35 km au nord d'Ajaccio, Cargèse compte un peu plus de 1000 habitants. Comme tout village corse du littoral, le bourg est bâti en hauteur, au-dessus de la marine. En garant la voiture sur le parking du plateau de la Sarra, en plus d'offrir une vue panoramique sur le golfe de Sagone, une esplanade dominée par une grande croix donne au visiteur des informations intéressantes sur l'histoire singulière de Cargèse. 

Pour comprendre cette histoire, il faut s'envoler à 1 500 km de là, à Vitylo (aujourd'hui connu sous le nom d'Oitylo), dans le Péloponnèse, et remonter jusqu'au XVIIe siècle, époque à laquelle la Grèce était sous la domination de l'Empire ottoman tandis que la Corse, elle, était génoise. Fuyant la férule ottomane, plusieurs centaines d'habitants de Vitylo prirent la route de l'exil. Grâce au soutien de la République de Gênes puis du comte de Marbeuf, c'est en Corse que les migrants trouvèrent refuge, d'abord à Paomia, avant que des terres ne leur soient offertes pour construire leur propre cité. Ainsi naquit Cargèse, en 1774.  

Cargèse abrite toujours une population descendant en partie des premiers habitants grecs du Péloponnèse. D'où une promiscuité unique sur les hauteurs du village où, chacune sur sa terrasse, 2 églises se font face : Santa-Maria-Assunta, la catholique, de rite latin... et Saint-Spyridon, l'orthodoxe, de rite byzantin. Et tout ce petit monde, respectueux des rites de l'autre, vit en parfaite harmonie chrétienne. 

Voiture garée sur le parking du plateau de la Sarra : avant de descendre visiter le village et sa marine, prendre le temps d'une pause sur l'esplanade avec vue sur le golfe de Sagone. Gravé sur la stèle à gauche de la photo, le poème d'Aristide Nerrière.

L'église Saint-Spyridon, vue de la terrasse de l'église Santa-Maria-Assunta. 

Dressée face à sa soeur de rite latin, dont elle est séparée par une route et un jardin, l'église grecque Saint-Spyridon doit son nom à un évêque chypriote du IIIe siècle, patron des marins. Sa construction remonte à la fin du XIXe siècle (MH depuis 1990). A l'intérieur, les murs sont recouverts de fresques byzantines. Comme dans toute église orthodoxe, nef et chœur sont séparés par une cloison en bois richement sculptée, ornée d'icônes (l'iconostase). Saint-Spyridon abrite notamment une icône de la Vierge datée du XIIIe siècle. Tous les guides touristiques le disent : de passage à Cargèse, il ne faut pas manquer de visiter cet édifice religieux, unique en Corse !!

Oui, mais... Souffrant de l'exposition aux embruns, la façade sud de l'église s'est détériorée au fil du temps. Porosité, perte de mortier et d'enduit, les lacunes extérieures endommageant par infiltration les ornementations intérieures. Au bout de presque 150 ans d'existence, il était temps d'agir, Saint-Spyridon avait besoin d'une bonne restauration !! 6 mois d'échafaudages et d'interdiction du chantier au public. Commencés en janvier 2022, les travaux se sont achevés fin mai. Et moi, j'y était quand ?... Le 10 mai !! Pas d'bol...

Perchée face à sa soeur de rite byzantin sur une terrasse-promontoire dominant le golfe de Sagone, l'église Santa-Maria-Assunta date également du XIXe siècle. Pas assez de recul sur la terrasse pour la photographier dans son ensemble, mais de toute façon, de l'extérieur, elle n'a rien de vraiment remarquable. L'intérieur par contre mérite la visite. Entièrement décoré du sol au plafond, vivement coloré, typiquement baroque.

Du parvis des églises jusqu'à la marina 100 m plus bas, le village de Cargèse est une succession de ruelles pentues, ombragées, à travers lesquelles il est très agréable de flâner. Il faut cependant être bien en jambe compte tenu du dénivelé. Suivant l'endroit où l'on se trouve, il y a des points de vue incontournables, d'où l'intérêt de tout faire à pied. Au cours de la descente, ne pas manquer : le panorama plongeant sur la petite marine 1/ du parvis de l'église Santa-Maria-Assunta et 2/ du cimetière ; arrivé en bas, très belle vue aussi de la marina sur les collines au loin avec, bien visibles, les 2 clochers qui se font face. Le haut, le bas, complémentaires, on ne peut faire l'un sans l'autre pour profiter pleinement de ce charmant village.

Cargèse ferme la pointe nord du golfe de Sagone. Ici, belle vue dégagée sur la marine lors de la descente depuis le parvis de Santa-Maria-Assunta. Le petit port est un point de départ d'excursions vers la réserve de Scandola et les calanques de Piana.

Du cimetière, beau point de vue encore sur la marine en contrebas. Déambulant entre les tombes par les allées envahies de fleurs sauvages multicolores, on peut couper à travers pour descendre jusqu'au port.

Le cimetière, envahi de fleurs à cette saison. Érigées l'une face à l'autre au sommet de la colline, toutes 2 dominent le port : à gauche sur la photo, Saint-Spyridon, la grecque, de rite oriental ; à droite, l'église Santa-Maria-Assunta, de rite catholique.

Voilà encore une autre très belle vue, cette fois tout en bas, au niveau de la marina. Comment ne pas tomber sous le charme ?... 

(Photos prises le 10 mai 2022)