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Le Louvre Lens, 10 ans
Le Louvre Lens, 10 ans.
Partie en août 2022 pour quelques jours d'été dans le Nord, je me suis presque étonnée toute seule en choisissant cette destination, les vacances ayant toujours été pour moi synonyme de cap au Sud. Mais je savais la valeur de la région, renommée pour son patrimoine, notamment pour ses paysages miniers (inscrits à l'Unesco), ses lieux de mémoire des deux Guerres mondiales et ses musées. Suffisamment de bonnes raisons pour changer mes habitudes !! Première étape de mon séjour nordiste, le Louvre-Lens.
Émanation de l'emblématique musée parisien, le Louvre-Lens a été inauguré le 4 décembre 2012, jour de la sainte Barbe (sainte patronne des pompiers... et des mineurs) sur le site de l'ancienne fosse d'extraction n°9. Hautement symbolique !! Depuis son ouverture, en exposant des œuvres de premier plan prêtées par Le Louvre Paris -œuvres renouvelées en grande partie chaque année- le musée lensois a su trouver son public. La région et les élus locaux ont fait le pari risqué de l'art pour redonner des couleurs au bassin minier sinistré... virage économique parfaitement négocié.
Conçu par le duo d'architectes japonais Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa de l'agence Sanaa (équerre d'argent), le Louvre-Lens se présente sous la forme d'un assemblage de volumes rectangulaires (dont la Galerie du Temps et le Pavillon de verre), formant un ensemble vitré de 360 m de long. Remarquable par sa conception et son contenu, la Galerie du Temps constitue indéniablement la grande réussite de ce musée. 3 000 m², tout en longueur, elle accueille plus de 200 chefs-d'œuvre issus des collections parisiennes, sculptures et peintures, allant de l'invention de l'écriture au IVe millénaire avant notre ère jusqu'à la révolution industrielle, au milieu du XIXe siècle. 5 000 ans d'histoire en un seul espace, entièrement décloisonné !!
Entrée du Louvre-Lens. L'architecture ultracontemporaine tranche avec celle de l'illustre institution parisienne.
Le Louvre-Lens, côté jardins.
La Galerie du Temps. C'est LE grand espace muséographique du Louvre-Lens. Créé par le Studio Adrien Gardère -designer spécialisé dans l'agencement de musées- la Galerie se déploie sur 120 m de profondeur !! Un volume impressionnant. Comme la salle est entièrement décloisonnée, en entrant, le visiteur embrasse d'un seul regard l'ensemble de la pièce sans qu'aucune séparation ne vienne entraver la vue !! Pas non plus d'ouverture sur l'extérieur. Le design est d'une remarquable sobriété : lumière zénithale, sol en béton, murs d'aluminium, mobilier épuré. Espacées les unes des autres sur des supports plus ou moins hauts, les œuvres sont parfaitement mises en valeur, la circulation est aisée, on peut tourner autour et les détailler à loisir.
En pénétrant dans la Galerie du Temps, saisie par les 3 000 m² d'espace s'étalant devant moi et tant d'œuvres offertes au regard, j'ai d'abord avancé au hasard, dans une première approche un peu fouillis, m'interrogeant même sur la cohérence de tout cela. Ce n'est qu'au bout d'un moment que j'ai avisé la frise gravée sur le mur droit. Un repère chronologique indispensable pour orienter le visiteur, entre tableaux et sculptures, à travers 5 000 ans d'histoire et les époques et civilisations qui se croisent (les œuvres appartenant à une même civilisation sont regroupées par îlots géographiques). Grâce à cette clé, le parcours trouve sa cohérence. Sur 120 m de long, progressant de l'entrée vers le fond de la galerie, je n'ai eu qu'à me laisser guider, descendant le cours de l'exposition, de l'Antiquité au Moyen Age et jusqu'aux Temps Modernes. Un superbe voyage à travers l'histoire de l'art et de l'humanité !!
Ci-dessous, en photos, un échantillon de mon parcours dans la Galerie du Temps. Des sculptures antiques et des œuvres remarquables (Botticelli, Raphaël, Le Tintoret, Le Lorrain, Rembrandt, Fragonard, Vigée Le Brun, Ingres...), prêtées par le Musée du Louvre Paris, renouvelées partiellement chaque année.
Mésopotamie. Gudéa, prince de l'État de Lagash (vers 2120 avant J.C.).
Babouins en granit rose. Haut-relief provenant du socle d'un obélisque du temple de Louxor, en Égypte (vers 1279-1213 avant J.C.).
Mésopotamie. Homme debout en prière (vers 2400 avant J.C.).
Tyr (Liban). Femme nue tenant un enfant (vers 1400-1200 avant J.C.).
Kaluraz (Iran). Statue récipient en forme de femme (vers 900-600 avant J.C.).
Hermaphrodite. Il s'agit de la copie romaine d'un "Hermaphrodite endormi", d'après Polyclès (marbre, 1,49 m, vers 130-150 après J.C.). Dans la mythologie grecque, Hermaphrodite est le fils du dieu Hermès et de la déesse Aphrodite. La nymphe Salmacis en était amoureuse mais le beau jeune homme repoussait ses avances. Elle obtint de Zeus que leurs corps fusionnent et soient unis pour l'éternité.
Elle... et lui.
Italie. Marc-Aurèle, empereur romain (marbre, vers 160 après J.C.). L'empereur est représenté haranguant ses soldats. Il porte une cuirasse ornée d'une tête de Méduse. Du haut de ses 2,24 m, il en impose !!
Détail de la cuirasse, avec sa double rangée de lambrequins.
Capitole, Rome. Détail d'un relief représentant Mithra, dieu iranien du Soleil, sacrifiant le taureau (marbre, 100-200 après J.C.). Venu d'Iran, le culte du dieu Mithra s'est développé dans tout l'Empire romain. Hiérarchisé en 7 étapes d'initiation, il comportait plusieurs rites, dont le sacrifice d'un taureau.
Cosa (Italie). Sarcophage : concours musical entre le dieu Apollon et le satyre Marsyas (marbre, vers 290-300 après J.C.).
Jules Hardouin-Mansart, architecte de Louis XIV (Hyacinthe Rigaud, huile sur toile, 1685).
Scène allégorique : l'Empire du Temps sur le monde, la Fortune tenant la voile et la Mort le gouvernail (marbre, vers 1550-1560).
Nevers, duché de Bourgogne. Vierge à l'Enfant provenant d'une léproserie (pierre calcaire polychrome, vers 1350-1375).
La Vierge et l'Enfant entourés de 5 anges (Alessandra di Mariano Filipepi, dit Sandro Botticelli. Florence, vers 1445-1510).
Saint Jacques de La Marche avec 2 donateurs agenouillés (Carlo Crivelli, huile sur panneau de peuplier, 1477). Une œuvre impressionnante par sa hauteur (1,98 m !!) et le visage sévère du saint (un religieux franciscain célèbre pour ses prêches et l'austérité de sa vie). Étonnant, les 2 petits donateurs, en prière, agenouillés à ses pieds.
Les 2 petits donateurs, minuscules, aux pieds du saint.
Portrait d'une femme âgée (Hans Memling, huile sur bois, vers 1480). Fragment droit d'un double portrait de couple, l'œuvre illustre la pratique flamande d'associer la représentation de visages traités de façon naturelle à celle de paysages lointains à l'arrière-plan.
La déesse romaine Minerve en armes (Baccio de La Porta, huile sur bois, vers 1490).
Portrait de Dona Isabel de Requesens (Raffaello Sanzio -dit Raphaël, vers 1518).
Suzanne au bain (Jacopo Robusti -dit Le Tintoret, huile sur toile, 1550).
Guillaume du Vair (Frans Pourbus II, dit Pourbus le Jeune, huile sur toile, vers 1616). Le talent de portraitiste de Frans Pourbus, peintre officiel de Louis XIII, a été salué par les cours de l'Europe entière. Il représente ici Guillaume du Vair, humaniste, fervent défenseur de la monarchie et partisan d'Henri IV (1553-1610) puis de son fils Louis XIII.
Vénus apparaissant à Énée (Pietro de Berrettini -dit Pierre de Cortone, huile sur toile, vers 1625-1650).
Paysage avec Paris et Oénone, dit Le Gué (Claude Gellée -dit Le Lorrain, huile sur toile 1648).
Hendrickje Stoffels, coiffée d'un béret de velours (Rembrandt, vers 1654).
A gauche, Sainte Marie-Madeleine renonçant aux vanités du monde (Charles Le Brun, huile sur toile, 1654-1657).
Cénotaphe du coeur du cardinal Pierre de Bérulle (Jacques Sarazin, marbre, 1653-1657).
Bustes de Jean-Jacques Rousseau et d'Honoré-Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau (Jean-Antoine Houdon).
Séléné, déesse grecque de la Lune, contemplant le berger Endymion endormi, dit le Songe d'amour du guerrier (Jean-Honoré Fragonard, huile sur toile, vers 1750-1800). Liée à la déesse Artémis, avec laquelle elle est parfois confondue, Séléné s'éprend du berger Endymion. Afin de préserver la beauté de l'être aimé, elle le plonge dans un sommeil éternel, venant le visiter chaque nuit.
Portrait du peintre Joseph Vernet (Élisabeth Vigée Le Brun, huile sur toile, 1778). L'artiste célèbre pour ses paysages et ses marines est représenté dans son atelier. Il a encouragé la jeune Élisabeth Vigée Le Brun à travailler d'après nature et soutint plus tard son admission à l'Académie en 1783.
Paysage maritime dit "Le soir" ou "Le retour de pêche" (Joseph Vernet, huile sur toile, 1772). Ce paysage de crépuscule fait partie de la série des Quatre parties du jour commandée par Madame du Barry, favorite de Louis XV, pour orner sa résidence de Louveciennes en région parisienne.
La Famille Dubufe (Claude-Marie Dubufe, huile sur toile, 1820). Représenté sur la droite avec son épouse, l'artiste dresse les portraits de sa mère et de son fils au premier plan. La soeur du peintre et son époux ferment la composition à l'arrière-plan sur la gauche. Le cadrage serré de ces figures en buste confère au portrait familial un caractère intime.
Au centre, Diane, déesse romaine de la chasse, accompagnée d'une biche (vers 1700-1800).
Saint François mort (Espagne, bois peint, vers 1650). Une sculpture extrêmement touchante, dans l'attitude et le regard.
Au fond, côté mur, à droite : portrait du compositeur Luigi Cherubini béni par la muse de la Poésie Lyrique, Érato (Jean-Auguste-Dominique Ingres, vers 1840).
Portrait de Cherubini en gros plan.
Guinée. Masque féminin d'Mba (bois, fibres végétales, clous en laiton, vers 1850-1935). La danse du masque d'Mba était pratiquée avant la saison des pluies ou lors d'événements tels que des mariages, des funérailles ou une visite diplomatique. Dissimulé sous une jupe en raphia, le danseur portait le masque sur ses épaules.
120 m et 5 000 ans plus tard... On atteint ici l'extrémité de la Galerie du Temps. Visible à droite, l'entrée menant au Pavillon de verre.
Le Pavillon de verre. Pour célébrer ses 10 ans d'existence, le Louvre-Lens accueille un invité exceptionnel âgé de 4 500 ans : le Scribe accroupi. Son installation à Lens s'est faite en présence du Président de la République Emmanuel Macron et de Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France. Joyau du département des Antiquités égyptiennes du Louvre parisien, ce prêt exceptionnel regagnera ses pénates en janvier 2023. Le Scribe accroupi a été découvert par Auguste Mariette, l'un des pères fondateurs de l'égyptologie, le 19 novembre 1850, sur le site de Saqqara. Auguste Mariette était né à Boulogne-sur-mer... et donc originaire du Pas-de-Calais. De passage à Lens, le Scribe rejoint ainsi pour un an la région natale de son découvreur !! L'occasion pour le musée d'une exposition fouillée sur l'Ancien Empire égyptien, le temps des pyramides, l'histoire de Champollion et des hiéroglyphes.
Le Scribe a sa salle dédiée, une pièce rien que pour lui, plongée dans l'obscurité. Seule la vitrine est éclairée.
Il est là, trônant dignement au milieu de la pièce, pour un face à face intime, yeux dans les yeux, avec le visiteur.
Jeu de miroirs...
(Photos prises le 14 août 2022)
Tags : Hauts-de-France, Pas-de-Calais, Artois, Lens, Louvre Lens, musée
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